Revue de Presse N°13 - 2015
DANS LA PRESSE…
D’un point de vue pratique, la question relative au transfert de patients entre établissements hospitaliers et à ses modalités reste d’actualité, en particulier lorsque la chaîne et la sécurité transfusionnelles sont impactées. Une étude prospective britannique portant sur la surveillance des produits sanguins associés au patient lors d’un transfert inter hospitalier apporte des réponses intéressantes (Bamber et al. A prospective survey of blood products transferred with patients during inter-hospital transferts in East of England. Transfusion Medicine 2015;25:302-306).
L’étude portant sur les transferts inter-hospitaliers a été réalisée du 1er juillet au 31 décembre 2013 dans la région East of England (population de 6 millions d’habitants) avec utilisation des documents régionaux de transfert de produits sanguins.
Les données ont été collectées sur des transferts inter-hospitaliers impliquant 17 des 18 établissements de soins concernés (94%). Un total de 45 incidents notifiés dans lesquels les produits sanguins étaient transférés avec le patient a été recensé. Parmi ces 45 incidents, 44 (98%) concernaient des produits sanguins transférés d’un hôpital situé en East of England. Les produits sanguins étaient envoyés dans un hôpital appartenant à la même région dans 37 cas (82%) et à une autre région dans 8 cas (18%).
Le produit sanguin le plus souvent transféré avec le patient était le concentré de globules rouges (CGR) (44 incidents). Dans 8 incidents, du plasma était également transféré avec le CGR. Enfin, dans un cas, il s’agissait uniquement de plasma. Le nombre médian de CGR transférés était de 3. Le guide des recommandations préconise que lors d’un transfert, 2 CGR sont largement suffisants (ce point n’a été respecté que dans 32% des transferts de patient).
Parmi les 148 CGR transférés, seulement 6% ont été transfusés pendant l’acheminement et moins de 3% transfusés à l’arrivée. Presque 35% des CGR transférés ont été éliminés. Le devenir de 18% d’entre - eux n’a pu être établi. Les 38% restants ont été intégré au stock de l’hôpital d’arrivée. Six patients (13%) ont été transfusés durant le parcours : 4 patients ont reçu comme produit des CGR (3 patients ont reçu 2 CGR, un, un seul) et deux patients uniquement du plasma. Un patient a été transfusé avec 2 CGR et un plasma. Tous ces patients avaient une transfusion débutée à l’hôpital de départ qui a été poursuivie durant la journée.
Les auteurs ont observé des résultats intéressants. Plus de la moitié des produits sanguins (CGR et plasma) pour lesquels le devenir n’a pu être précisé était liée à un transfert vers un hôpital n’appartenant pas à la région d’origine (ces transferts ne représentant que 18 % de l’ensemble). Les causes de destruction étaient liées à un mauvais scellement des containeurs de transport ou à des produits se trouvant en dehors de la température acceptable. Quelques hôpitaux ont un règlement qui refuse de transférer ces produits dans leur stock.
Cette étude montre que le nombre de produits transfusés en cours de route ou dans l’hôpital destinataire est faible. Il n’y a pas eu de transfusion mise en route durant le parcours. Ce constat pose la question de l’intérêt de transférer des produits sanguins avec le patient si la transfusion n’a pas été débutée initialement dans l’hôpital de départ. Cette question est d’autant plus pertinente que de nombreux CGR sont jetés (presque 35% du total) ou non tracés (18%). Les auteurs insistent sur la nécessité, lorsque ce type de transferts a lieu d’une meilleure communication entre les centres de transfusion hospitaliers.
Disposer de chiffres pertinents en matière de débit de perfusion des produits sanguins labiles (PSL) est nécessaire pour assurer la sécurité du patient et éviter l’apparition d’effets indésirables receveurs. Constatant l’existence de peu de données dans ce domaine, une équipe américaine vient de tenter d’apporter des éléments informatifs pour les équipes soignantes prenant en charge les transfusions (Gehrie et al. Measuring the influence of blood component infusion rate on recipient vital signs. Vox Sanguinis 2015;109:353-358).
Les auteurs ont réalisé une étude rétrospective portant sur 3496 transfusions pratiquées sur un an au sein d’un établissement multidisciplinaire. Les PSL transfusés comprenaient 2359 CGR, 478 concentrés plaquettaires et 659 plasmas. Utilisant les documents de collecte de données en rapport avec la transfusion, les auteurs ont retenu les paramètres suivants : volume du PSL transfusé, durée de la transfusion, paramètres cliniques pré et posttransfusionnel (température, pouls, pression sanguine). Le débit de perfusion a été calculé à partir du rapport volume du PSL sur durée de la transfusion.
Pour les CGR, le débit médian de perfusion était de 2,3 mL/minute. Les auteurs ont constaté que le débit appliqué était variable selon les services : débit médian le plus rapide au bloc opératoire (18,8 mL/minute). La différence entre le débit observé au bloc opératoire et le débit relevé en dehors du bloc (2,3 mL/minute) était statistiquement significative. Lors de ces transfusions de CGR, 13 effets indésirables ont été notifiés. Le débit médian de la transfusion pour ces patient était le même que celui établi pour l’ensemble des patients, 2,3 mL/minute.
En ce qui concerne les plasmas, le débit médian était de 10,4 mL/minute. Là encore, le débit différait selon les services : le plus rapide en pré-opératoire (14,5 mL/minute) et au bloc opératoire (12,5 mL/minute), le plus lent en service d’urgence (7,8 mL/minute). Deux effets indésirables ont été rapportés.
Enfin, pour les concentrés de plaquettes, le débit médian était de 7,2 mL/minute. Ici aussi, le débit différait selon les services : le plus rapide au bloc opératoire (16,1 mL/minute), le plus lent en service d’urgence (5,4 mL/minute). Deux effets indésirables ont été rapportés.
En matière de signes cliniques, 92 CGR, 51 plasmas et 16 concentrés plaquettaires ont été transfusés à un débit supérieur ou égal à 20,0 mL/minute. Aucune différence significative n’a été observée chez ces patients que ce soit pour la température, le pouls, la pression artérielle systolique ou diastolique comparativement à un débit de perfusion inférieur à 20 mL/minute. Un des 13 effets indésirables impliquant la transfusion de CGR concernait un patient transfusé à un débit élevé (25,0 mL/minute) et qui était en hypotension.
Les auteurs mentionnent ne pas avoir de motif pertinent expliquant pourquoi les CGR sont transfusés plus lentement que les autres produits sanguins, plasmas et concentrés de plaquettes (température du CGR transfusé inférieure à celles des autres PSL ?). Ils mettent en avant quelques limites à leur étude : réalisation dans un hôpital prenant en charge des vétérans donc des adultes principalement masculins (données extrapolables aux femmes, aux enfants ?), pas d’information sur la saturation en oxygène, la fréquence respiratoire, la radiographie pulmonaire pré et post-transfusionnelle.
D’un point de vue global, les auteurs considèrent qu’il n’apparaît pas de corrélation forte entre le débit de perfusion et des modifications des signes vitaux évalués. Une sous déclaration des effets indésirables demeure possible.
Une courte lettre écrite par des auteurs américains (Alsaati et al. Assisted reproductive technology : an uncommon, but increasing, cause of parent-child ABO discrepancy. Transfusion 2015;55:2048-2049) rappelle opportunément les questions que soulèvent les techniques de procréation médicalement assistée (PMA) de plus en plus utilisées du point de vue des contradictions ou des incompatibilités érythrocytaires qui en résultent.
Les auteurs soulignent la nécessité d’une bonne communication entre les équipes qui prennent en charge les patientes enceintes par PMA incluant les spécialistes en médecine transfusionnelle. La patiente elle-même devrait bénéficier d’une information relative aux complications potentielles liées à ces situations immunohématologiques. Pour le groupe sanguin ABO, les auteurs ne recommandent pas un « matching » patiente / donneur nécessitant la sélection du donneur de sperme ou d’ovocytes. Une patiente RH-1 avec un donneur sélectionné RH1 devrait être informée des conséquences potentielles d’une alloimmunisation anti-RH1. Pour des allo-immunisations anti-érythrocytaires pré-existantes (par exemple : anti-RH2, anti-KEL1, …), la receveuse alloimmunisée devrait être informée de l’importance de la sélection d’un donneur de sperme ou d’ovocytes négatif pour l’antigène incriminé qui pourrait prévenir le risque de maladie hémolytique du foetus et du nouveau-né. Enfin, les auteurs préconisent l’inclusion de la PMA dans la liste des causes potentielles de contradictions entre parents et enfants pour le groupe sanguins ABO.
Pierre MONCHARMONT