hÉmolyses POST-TRANSFUSIONNELLES RETARDÉES CHEZ LES DRÉPANOCYTAIRES
Le séminaire international « Delayed hemolytic transfusion reaction in sickle cell disease patients » a accueilli plus de 130 participants de 7 pays, le 17 décembre à Créteil. Il était organisé sous l’égide de la SFTS et de l’ISBT, avec le soutien de l’Université Paris Est Créteil, du Labex GR -ex, de Grand Paris Sud-Est Avenir, et de l’EFS Ile de France, et sous l’égide de la Filière Santé des maladies génétiques rares du globule rouge. Soulignons qu’il s’agit du premier séminaire international sur le sujet, imaginé il y a trois ans à un congrès AABB, devant la frustration du peu de temps consacré à ce sujet. Des nombreuses présentations, denses et passionnantes, et des discussions animées au cours de cette journée, ressortent particulièrement les points suivants.
La matinée a fait le point des données récentes cliniques, biologiques et thérapeutiques. Chez les patients drépanocytaires, l’HPTR a une incidence autour de 4% et elle est la cause de la mort dans 6% des cas. L’analyse des données de l’hémovigilance française de 2000 à 2016 révèle que cette réaction indésirable de la transfusion est sous-déclarée. Chez un drépanocytaire dans les jours suivant une transfusion, il faut donc évoquer et rechercher activement cette complication devant tout signe inexpliqué : symptomatologie aigue (syndrome aigu thoracique, crise vaso-occlusive, défaillance multi-organes), aggravation d’une anémie, réticulocytes bas. Une chute du taux d’Hb en dessous du taux pré transfusionnel, mais surtout de celui de l’HbA (nomogramme) sont de bons marqueurs biologiques. Sur le plan immuno-hématologique, l’allo-immunisation est la première cause, avec des spécificités d’anticorps multiples et complexes, mais elle n’est pas détectée dans 30% des cas. Les patients drépanocytaires s’immunisent plus fréquemment que les autres, pour des raisons encore mal connues. Une information des cliniciens pour mieux faire reconnaître l’HPTR est en cours de préparation au niveau national.
La prévention de l’HPTR repose d’abord sur la sélection des CGR phénotypés et leur compatibilisation pour éviter l‘exposition des patients à des antigènes qu’ils ne possèdent pas. Cependant ceci n’est pas suffisant et une meilleure compréhension des mécanismes en jeu est indispensable pour l’améliorer. La décision transfusionnelle et l’étendue de la phéno-compatibilité, voire l’utilisation de Rituximab, sont déterminés en fonction du risque d’HPTR, basé sur les antécédents d’allo immunisation, d’HPTR, mais aussi du nombre de transfusions dans l’historique. Le traitement de l’HPTR se focalise avant tout sur la vasculopathie liée à l’hémolyse. Une nouvelle transfusion phéno-compatible n’est envisagée que lorsque l’anémie menace le pronostic vital. La place de chaque élément du vaste arsenal thérapeutique a été discutée à partir de cas cliniques : EPO, fer IV, corticostéroïdes, IG IV, échanges plasmatiques avec albumine ou plasma, Rituximab (anti-CD 20), Eculizimab (anti-C5), Daratumumab (anti-CD 38), Bortezomib (inhibiteur de protéasome).
L’après-midi a fait le point des recherches récentes sur les mécanismes en jeu dans cette complication souvent très grave. Les mécanismes impliqués dans la production des anticorps responsables de l’HPTR (réponses immunes primitive et secondaire, influence de l’inflammation induite par l’hémolyse, cinétique et évanescence des anticorps) éclairent les voies thérapeutiques visant à inhiber cette production à différents niveaux des séquences immunologiques impliquées (anti-CD 20, anti-CD 38, inhibiteurs de protéasome). Des modèles expérimentaux, in vitro et chez l’animal ont bien établi la toxicité de l’hème libéré par l’hémolyse pour les cellules endothéliales, élément central de la vasculopathie consécutive à l’hémolyse. Chez la souris, le rôle protecteur de monocytes patrouilleurs producteurs de hauts niveaux d’hème-oxydase-1, agissant comme les éboueurs des cellules endothéliales lésées par l’hème circulant, a été montré récemment. Ces monocytes deviennent ainsi une cible thérapeutique potentielle. Les modèles in vitro permettent d’étudier les mécanismes de lésions des cellules endothéliales par l’hème et des facteurs et agents thérapeutiques potentiels pour les neutraliser. Enfin les modalités d’activation du complément, par les globules rouges fixant des anticorps, dans la circulation par des microvésicules provenant des globules rouges, et dans les tissus par l’hème, montrent qu’il s’agit d’un élément majeur de l’HPTR, soulignant le rôle potentiel des inhibiteurs du complément.
Un très grand merci à la Présidente, France Pirenne, et à tous les orateurs, pour ce premier symposium international, qui bénéficiera certainement aux patients drépanocytaires, en améliorant la prévention, la détection précoce et la prise en charge de l’HPTR. Les présentations ppt de la journée (des orateurs qui ont donné leur accord) sont disponibles sur le site SFTS en cliquant sur le lien https://www.sfts.asso.fr/association/seminaire-dhtr- Les vidéos des présentations seront disponibles sur le site début janvier 2019.
Bonnes fêtes de fin d’année à tous !
Gilles Folléa, Secrétaire général