Revue de Presse N°08 - 2014
DANS LA PRESSE…
La question relative à une utilisation optimale des produits sanguins labiles (PSL) chez les patients représente actuellement un enjeu majeur de santé. Une équipe américaine vient de montrer que l’introduction simultanée au sein d’un établissement d’une liste actualisée relatives aux commandes maximales de PSL en chirurgie et une application informatique de délivrance de PSL à distance réduisait significativement les commandes de PSL inutiles et par voie de conséquence, les coûts (Frank et al. Reducing unnecessary preoperative blood orders and costs by implementing an updated institution-specific maximum surgical blood order schedule and a remote blood release system. Anesthesiology 2014;121:501-509).
Les auteurs ont travaillé à deux niveaux.
Partant du constat que la liste de commandes maximales de PSL en chirurgie comportait des recommandations souvent obsolètes, une actualisation a été effectuée sur la base du développement récent des procédures chirurgicales (pour l’institution, 55000 patients et 135 classes d’interventions chirurgicales).
Une application informatique de délivrance des PSL [« electronic blood release system » (ERBS)] placée dans le bloc opératoire liée, via une interface, au système informatique de la banque de sang a été mise en place. Celle-ci présente plusieurs avantages : délivrance plus rapide, amélioration de la gestion des stocks et diminution du temps nécessaire et du travail pour le personnel de la banque de sang.
De janvier 2011 à octobre 2013 (34 mois), 100789 patients ont subi une intervention nécessitant une anesthésie. Plusieurs catégories de patients ont été exclues : patients pédiatriques, patientes en obstétrique,… Un total de 63916 patients a été retenu.
La liste actualisée et l’application informatique ont été introduites le 1er juillet 2012, à peu près à mi-temps de la période considérée. Cette liste définissait trois catégories possibles de commandes de PSL : 1 - pas d’échantillon de sang pour les tests immuno-hématologiques (pas de PSL nécessaire) ; 2 - un groupage et une recherche d’anticorps anti-érythrocytaires effectués en prévision d’une commande de PSL ; 3 - un groupage et une recherche d’anticorps anti-érythrocytaires avec crossmatch de PSL préparés à l’avance.
Au sein du groupe de patients considérés comme ne nécessitant pas d’échantillon de sang pour les tests (donc sans de besoin de PSL) (33 216), le pourcentage mensuel moyen de patients sans commande de PSL (que ce soient pour les tests seuls ou pour les tests avec un cross-match) est passé 40,4% avant mise en place de la liste à 25,0% après, soit une diminution significative de 38,1%.
Pour l’ensemble des patients hospitalisés en chirurgie, le pourcentage mensuel moyen de patients avec commande a diminué de 17,8% sur la deuxième période comparativement à la première. De même, une réduction des commandes comportant tests et cross-match a été observée avec une diminution du pourcentage de 27,1%.
Les auteurs ont, dans leur étude, tenu compte de la délivrance en urgence. Ils ont constaté une très légère augmentation du taux de délivrance en urgence, passant de 2,2 patients pour 1000 sur la première période à 3,1 pour 1000 sur la deuxième. Les auteurs nuancent cependant ce résultat en précisant que sur les 34 mois, 162 patients ont bénéficié d’une délivrance en urgence mais que 98 d’entre-eux (60,0%) étaient traités en urgence chirurgicale. En se limitant au premier groupe (pas de commande de sang prévue), le taux de délivrance en urgence est passé de 0,4 patients pour 1000 sur la première période à 1 patient pour 1000 sur la deuxième.
Du point de vue des coûts, ils observent une réduction annuelle de 137 223 US dollars (6,08 US dollars par patient) pour les patients chirurgicaux. En se rapportant à l’ensemble des patients hospitalisés, l’économie annuelle est 298 966 US dollars soit, 6,20 US dollars par patient.
Les auteurs concluent que l’actualisation de la liste de commandes maximales de PSL en chirurgie associée à la mise en place d’une application informatique de délivrance des PSL réduit significativement les commandes inutiles de PSL et les coûts annuels tout augmentant de manière très faible les délivrances en urgence.
Préciser les voies de contamination par le virus de l’hépatite C reste un sujet d’actualité. Une équipe suédoise vient de publier une étude rétrospective chez des patients contaminés par le virus de l’hépatite C (HCV) et atteints d’hépatite chronique pour lesquels l’origine de la contamination demeurait inconnue (Einberg et al. Neonatal blood transfusion as transmission route in chronic hepatitis C. Transfusion 2014,54:1366-1370).
Les auteurs ont recruté 255 patients porteurs d’une hépatite virale C chronique nés en Suède entre 1960 et 1975. Le choix de la période est lié au fait que les transfusions et, en particulier les exsanguino-transfusions, étaient couramment pratiquées à cette époque dans les unités de soins intensif de néonatalogie. Un total de 230 dossiers médicaux a pu être étudié à la recherche de transfusions néonatales. Pour 128 patients (56%), l’origine de la contamination était connue. Dans 98 dossiers (43%), aucune voie à l’origine de la contamination par le HCV n’avait été déterminée. Seuls 4 dossiers n’étaient pas disponibles.
Quatre (1,7%) des 230 patients avaient reçu des produits sanguins en période néonatale. Tous étaient des hommes. Deux avaient subi une exsanguino-transfusion et deux avaient reçu une seule transfusion de sang ou de plasma. Au moment du diagnostic, ils ne savaient pas qu’ils avaient été transfusés en période néonatale. Aucun n’avait eu de transfusion ultérieurement.
Trois de ces patients (3%) appartenaient au sous-groupe des 98 patients « voie de contamination inconnue ». Seul 1 des 128 patients (0,8%) avec voie de contamination connue avait été transfusé.
En considérant la transfusion néonatale comme source de contamination, la durée médiane de l’hépatite C chronique était de 32,5 ans. Un des patients avait une cirrhose et deux des lésions hépatiques modérées (inflammation et fibrose) à la biopsie. Trois des 4 patients transfusés avaient bénéficié d’un traitement antiviral et avait une réponse persistante. Le 4ème patient n’a pas été traité en raison de contre-indications.
Les auteurs concluent que les transfusions néonatales n’expliquent qu’une petite partie des cas d’hépatite C chronique avec voie de contamination inconnue. Ces patients peuvent développer progressivement des atteintes hépatiques apparaissant chez des adultes jeunes qui pourraient bénéficier d’un traitement antiviral. Les auteurs notent qu’un effort est nécessaire pour rechercher activement et tester les adultes qui ont reçus des transfusions en période néonatale avant 1992.
La transmission du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt Jakob (nvMCJ) par transfusion reste un problème d’actualité. Une étude britannique très récente incluant les données disponibles au 1er février 2014 montre que le risque transfusionnel demeure faible (Davidson et al. Variant CJD and blood transfusion: are there additional cases ? Vox Sanguinis 2014;107:220-225).
Au 1er février 2014, 177 cas de nvMCJ ont été diagnostiqués au Royaume-Uni. Les auteurs ont recensé 15 cas de patients atteints ayant été transfusés. Dans 4 cas, il n’a pas été possible d’obtenir d’information sur la transfusion en raison de l’absence de donnée disponible (transfusion avant 1980) et dans un cas, considéré comme transfusé, aucune donnée relative à une transfusion n’a pu être retrouvée dans le dossier médical. Sur les 10 cas restants, 3 avaient été identifiés précédemment comme contaminés par transfusion. Dans un cas, le patient avait été transfusé au début des symptômes de sa maladie de Creutzfeldt Jakob et a été écarté de l’étude. Pour les 6 derniers cas, les informations concernant les produits sanguins transfusés n’ont pu être obtenues dans un cas (transfusion avant 1984), mais une exposition à 4 donneurs a été trouvée.
Chez les 5 patients restants, 116 produits sanguins ont pu être tracés et 112 donneurs identifiés. Cinq de ces donneurs sont décédés, mais pas d’une nvMCJ, ni d’une autre pathologie neurologique. Aucun de ces donneurs n’a développé une nvMCJ.
L’âge moyen de début des symptômes pour tout le groupe (9 patients) était de 42,9 ans et, pour les trois cas avec transmission par transfusion, 57,6 ans. Pour les 6 cas non liés à un donneur atteint, l’âge moyen était de 35,5 ans. Ces âges moyens sont supérieurs à celui des 177 cas de nvMJC recensés, 28,9 ans.
Les auteurs concluent que s’il reste possible qu’un ou plusieurs cas de patients atteints de nvMCJ et ayant été transfusés soient dus à une transmission par donneurs non connus d’avoir développé une nvMCJ, la preuve reste faible.
Une étude récente vient de montrer que le degré de fucolysation des IgG représenterait un marqueur de gravité dans la maladie hémolytique du foetus et du nouveau-né par anticorps anti-RH:1 (anti-D) (Kapur et al. Low anti-RhD IgG-Fcfucolysation in pregnancy: a new variable predicting severity in haemolytic disease of the fetus and the newborn. British Journal of Haematology 2014,166,936-945).
Partant du constat que la gravité de l’atteinte de l’enfant dans cette pathologie n’est pas strictement liée au taux d’anticorps et que celle-ci est mieux prédite par le test d’ADCC (antibody-dependant cellular cytotoxicity) mais avec une faible spécificité, les auteurs ont recherché un marqueur autre pouvant avoir un intérêt prédictif. Ils ont analysé par spectrométrie de masse les glycopeptides dérivés d’immunoglobulines G (ayant un rôle dans la fixation des IgG au FcγR) issus de 70 immunoglobulines IgG1 anti-RH:1 purifiées à partir de plasmas de femmes enceintes allo-immunisées.
Les auteurs montrent une diminution variable de la fucolysation du fragment Fc de la majorité des IgG1 anti-RH:1. Néanmoins, les IgG totales de ces patientes restent fortement fucolysées, comme chez les individus normaux.
Les auteurs observent que le degré de fucolysation est corrélé significativement avec le test d’ADCC médié par le CD16 (récepteur FcγRIIIa), en accord avec le fait qu’une réduction de la fucolysation des IgG augmente l’affinité pour le FcγRIIIa humain. De plus, un faible degré de fucolysation des anticorps anti-RH:1 corrèle également significativement avec un taux bas d’hémoglobine chez le foetus et le nouveau-né. Ce marqueur pourrait représenter un nouveau paramètre diagnostic.
Pierre MONCHARMONT