Revue de Presse N°10 - 2014
DANS LA PRESSE…
En néonatalogie, la question relative au rôle potentiel de la transfusion dans l’apparition d’une augmentation du taux de bilirubine chez les nouveaux-nés, en particulier chez ceux de petit poids de naissance (inférieur à 1500 g), demeure d’actualité. Une étude récente, réalisée par une équipe américaine, tente de répondre à cette importante question (Christensen et al. Association of neonatal red blood cell transfusion with increase in serum bilirubin. Transfusion 2014;54:3068-3074).
Les auteurs ont réalisé une étude rétrospective sur trois services de réanimation néonatale en reprenant les dossiers d’enfants nés entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012. Un guide de recommandations pour la transfusion et la photothérapie chez les nouveaux-nés avait été introduit en 2002 et révisé en 2004. Les taux de bilirubine totale sérique ont été obtenus sur une période de 8 heures avant la transfusion et de 48 heures après la transfusion. Les concentrés de globules rouges (CGR) transfusés étaient irradiés, déleucocytés, conservés dans une solution CPDA-1 et produits par centrifugation. Le volume de concentré transfusé allait de 10 à 15 mL/kg de poids sur une période de 3 à 4 heures. L’hypothèse mise en avant était l’existence d’une augmentation du taux de bilirubine totale sérique après la transfusion. D’autres paramètres ont été évalués : existence d’une photothérapie avant et après la transfusion, effet des CGR de groupe O- (donneur universel), influence de l’âge des CGR (à partir de la date de prélèvement chez le donneur). Enfin, les auteurs se sont basés sur les éléments suivants: du point de vue théorique, pour un volume de 15 mL/kg, une lyse de 1% des hématies du CGR augmenterait de façon aiguë le taux de bilirubine totale sérique de 1,2 mg/dL. Pour une lyse de 10%, l’augmentation serait de 12 mg/dL.
Sur la période de 4 ans étudiée, 7272 nouveaux-nés avaient été admis et 451 transfusions possédaient les critères d’inclusion. Vingt transfusions ont été retirées [décès du patient dans les 48 heures après la transfusion (15 cas), impossibilité de déterminer si la photothérapie a été pratiquée avant ou après la transfusion (5 cas)]. Un total de 431 transfusions a été retenu.
Sur 431 transfusions, 255 avaient été administrées à des enfants n’ayant pas reçu de photothérapie. L’augmentation du taux de bilirubine totale sérique post-transfusionnelle était de 2,2 mg/dL. Pour l’ensemble des 431 transfusions, l’augmentation était de 1,5 mg/dL. Deux cent trois transfusions avaient été pratiquées chez 64 nouveaux-nés de petit poids de naissance sans photothérapie. Quatre vingt une transfusions (soit 40%) avaient été suivies d’une photothérapie ou d’une reprise la photothérapie après la transfusion. Dans 24 de ces 203 transfusions, (12%), l’augmentation du taux de bilirubine total sérique avait été d’au moins 5 mg/dL. Les taux les plus élevés (12,3, 13,9 et 17,9 mg/dL), observés chez trois enfants, n’ont pu être expliqués par une cause autre que la transfusion.
Dans 22 transfusions où la photothérapie n’avait pas été pratiquée durant la transfusion et pour lesquelles aucune hémorragie intracrânienne (HIC) de grade 3 ou 4 n’avait été diagnostiquée (par échographie) chez l’enfant, le taux de bilirubine totale sérique avait augmenté de plus de 5 mg/dL. Comparativement, dans 5 cas sans photothérapie lors de la transfusion mais avec HIC de grade 3 ou 4 le jour de la transfusion, le taux avait également augmenté de plus de 5 mg/dL.
Dans 39% des 255 transfusions où la photothérapie n’avait pas été pratiquée durant la transfusion, celle-ci a été débutée le jour suivant. Ces enfants, chez lesquels la photothérapie a été débutée après la transfusion, étaient d’âge gestationnel légèrement plus bas à la naissance et la transfusion avait été pratiquée plus tôt après la naissance. Leur taux de bilirubine totale sérique avait plus augmenté (3,8 mg/dL contre 1,3 mg/dL).
Les CGR de groupe O administrés à des enfants de groupes A, B ou AB provoquaient une augmentation significative du taux par rapport aux CGR isogroupes mais celle-ci demeurait d’amplitude insignifiante sur le plan clinique (0,3 mg/dL). Aucune augmentation significative du taux liée à l’âge du concentré n’a été observée. Enfin, chez 6 des 10 enfants avec les augmentations de taux de bilirubine totale sérique les plus importantes, l’augmentation n’a pu être expliquée en dehors d’une origine transfusionnelle.
Les auteurs décrivent une association entre transfusion de CGR et augmentation du taux de bilirubine sérique mais considèrent qu’un lien de cause à effet n’est pas établi. Cependant, une vigilance particulière doit exister chez les cliniciens pour les enfants de petit poids de naissance, une augmentation du taux d’au moins 5 mg/dL étant observé dans 12% des cas après transfusion.
Une récente revue tente d’expliquer pourquoi la demande de concentrés plaquettaires augmente de manière significative en pratique clinique (Why has demand for platelet components increased ? A review. Transfusion Medicine 2014;24:260-268).
Entre 2002 et 2012, au Royaume Uni, une augmentation de 24,0% de la consommation des concentrés plaquettaires est notée. Aux Etats unis, un phénomène analogue est observé avec une augmentation de 32,0% entre 2004 et 2011. Parallèlement, toujours au Royaume Uni, la demande en concentrés de globules rouges avait diminué sur la période 2001-2012.
L’auteur tente d’expliquer ce constat et analyse successivement plusieurs facteurs : augmentation de la taille de la population générale, accroissement de l’âge de la population, usage inapproprié des concentrés plaquettaires, changement des spécification de ces produits, augmentation de la prévalence et de l’incidence des pathologies hématologiques malignes, modifications de la prise en charge de ces patients, des patients traités en chirurgie cardiaque, du changement du nombre de patients en soins intensifs. L’auteur s’interroge sur l’absence d’augmentation en parallèle de la demande de concentrés de globules rouges. Cependant, il note que la seule donnée disponible qui peut être corrélée directement avec les données nationales sur les produits sanguins est la taille de la population générale.
Les facteurs à l’origine de l’anémie chez les sujets âgés restent, dans certains cas, inexpliqués. Dans un court article, une équipe américaine propose une piste d’exploration intéressante portant sur l’existence, chez de tels patients, d’un syndrome inflammatoire de faible intensité (Artz et al. Unexplained anaemia in the elderly is characterized by features of low grade inflammation. British Journal of Haematology 2014;167:286-289).
Les auteurs ont sélectionné 19 patients (âge médian 75,3 ans, range 65 – 89 ans) porteurs d’une anémie inexpliquée et les ont appariés à un groupe contrôle non anémique (18 patients, critères d’appariement: âge, sexe, ethnie). Ils ont comparé entre les deux groupes des caractéristiques portant sur l’anémie, la séquestration du fer et l’inflammation.
Le groupe de patients anémiques présentait une anémie normocytaire (taux d’hémoglobine moyen à 105 g/L versus 138 g/L pour le groupe contrôle, volume cellulaire moyen à 86,5 fL versus 89,9 fL).
Les taux d’érythropoïétine ne différaient pas significativement entre les deux groupes (14,6 mIU/mL versus 15,8 mUI/mL pour le groupe contrôle). Le taux de fer sérique était plus faible et le taux de ferritine sérique plus élevé dans le groupe de patients anémiques : 10,5 μmol/L et 409,6 pmol/L versus 21,1 μmol/L et 205,6 pmol/L respectivement). Parmi les quatre marqueurs d’inflammation évalués (Interleukines 6 et 8, interféron γ et néoptérine), seule la néoptérine présentait un taux significativement plus élevé dans la population anémique (moyenne géométrique à 10,92 nmol/L) que dans la population contrôle (moyenne géométrique à 6,64 nmol/L) et corrèlait significativement avec le taux d’hémoglobine.
Le groupe de patients âgés avec anémie inexpliquée présentait des facteurs d’inflammation (séquestration du fer, production réduite d’érytropoiétine, élévation de marqueurs d’inflammation). L’anémie de ce groupe ne pouvait être expliquée que par la seule insuffisance rénale. Selon ces auteurs, la corrélation entre taux de néoptérine et taux diminué d’hémoglobine suggérerait que la néoptérine serait un indicateur sensible de pathologie sous jacente à l’anémie (atteinte tissulaire périphérique liée à une maladie chronique ou processus pathologique dans le compartiment médullaire favorisant l’anémie). Si les auteurs rappellent que leurs cohortes ont été bien caractérisées, ils admettent que la petite taille des effectifs représente une limite à leur étude et que des évaluations plus larges restent nécessaires.
La persistance des anticorps anti-érythrocytaires après un événement immunisant et la recherche d’un ou plusieurs facteurs à l’origine de celle-ci demeurent des questions d’actualité. Des auteurs néerlandais viennent d’étudier, chez des patientes ayant présenté des grossesses avec maladie hémolytique du foetus traitée par transfusions in utero, ce sujet (Verduin et al. Factors associated with persistence of red blood cell antibodies in woman after pregnancies complicated by fetal alloimmune haemolytic disease treated with intrauterine transfusions. British Journal of Haematology 214;168:443- 451).
Des patientes dont des enfants ont été traités par transfusion in utero pour maladie hémolytique du foetus ont été explorées. Cette étude a porté sur les anticorps anti-érythrocytaires existants, responsables de la maladie hémolytique mais également sur les nouveaux anticorps apparus, liés, soit à la transfusion intra utérine, soit à l’hémorragie foeto-maternelle.
Deux cent soixante patientes dont les enfants ont été traités par transfusion in utero de 1988 à 2008 ont été incluses. Un total de 499 anticorps anti-érythrocytaires (205 anti-RH :1 et 294 d’autres spécificités) existaient après la dernière transfusion in utero. Ils étaient répartis en 260 anticorps responsables de la maladie hémolytique du foetus et 239 non responsables de cette pathologie.
Sur une durée médiane de suivi de 8,7 ans après la grossesse index, tous les anticorps antiérythrocytaires impliqués dans la maladie hémolytique du foetus persistaient (260 cas). Sur la même durée médiane, 417 des 499 anticorps anti-érythrocytaires restaient détectables (83,6%) chez les 260 mères. La persistance des anticorps n’était pas liée au nombre de transfusion in utero pratiquées, ni au nombre de grossesses.
Chez 75 patientes, 82 (34,3%) des 239 anticorps anti-érythrocytaires non responsables de la maladie hémolytique du foetus avaient disparu, mais 157 restaient encore détectables (65,7%). La persistance de ces anticorps non impliqués dans la pathologie variait avec la spécificité, les anticorps des systèmes RH et KEL se maintenant dans la majorité des cas.
Sur les 171 anticorps non responsables de la maladie hémolytique du foetus présents avant la grossesse index et encore détectables, 129 persistaient durant le suivi (75,4%). Sur les 68 anticorps acquis durant la procédure de transfusion in utero et encore détectés après l’accouchement, seulement 26 demeuraient (38,2%). En terme de persistance, ce dernier taux était statistiquement significativement plus bas que celui des anticorps présents avant la grossesse index.
Pour les anticorps non responsables de la maladie hémolytique du foetus et du nouveau-né, le taux de maintien observé était de 70,6% si l’enfant était lui-même porteur de l’antigène correspondant contre 32,3% si l’antigène n’était pas porté par l’enfant.
En analyse multivariable, seul un titre élevé de l’anticorps et la spécificité RH augmentaient significativement la probabilité de la persistance d’un anticorps anti-érythrocytaire qui n’était pas à l’origine d’une maladie hémolytique du foetus et du nouveau-né.
Les auteurs avancent l’hypothèse qu’un maintien de la stimulation immunologique pourrait être liée à la persistance d’un chimérisme foeto-maternel à long terme.
Pierre MONCHARMONT