Editorial 12

EDITORIAL N°12 - MARS 2016

Ces dernières années, la communauté transfusionnelle a accordé une attention particulière aux maladies transmises par les arbovirus émergents. Le virus Zika (ZIKV) est le dernier de ces pathogènes en cause et est responsable d’épidémies majeures en Afrique, en Asie et, plus récemment, dans la région du Pacifique. De nombreuses questions relatives à ce pathogène émergent restent floues et nécessitent une enquête plus approfondie. Les autorités sanitaires nationales ont adopté différentes stratégies de prévention (1). Depuis octobre 2013, la Polynésie française a connu la plus importante éclosion documentée d’infection à ZIKV, zone endémique pour les virus transmis par les arthropodes (arbovirus). La circulation silencieuse du virus Ross River et l'absence de transmission active du virus du chikungunya (CHIKV) chez les donneurs de sang prélevés avant l'apparition du ZIKV en Polynésie française ont été rapportées récemment. Des études nous fournissent des chiffres sur la prévalence des quatre sérotypes du virus de la dengue (DENV) et sur l'apparition d’une circulation d'autres arbovirus chez les donneurs de sang (2). Les pourcentages sont très variables selon l’agent infectieux en cause mais peuvent être importants. Ainsi, 80,3%, 0,8%, 1,3%, et 1,5% des donneurs de sang testés étaient séropositifs pour au moins un sérotype DENV, le ZIKV, le Japanese Encephalitis Virus (JEV) et le West Nile Virus (WNV) respectivement. Ces résultats corroborent la transmission élevée attendue de DENV et inversement suggèrent qu’il n’y avait pas de circulation active de ZIKV, de JEV et de WNV en Polynésie française avant 2011.

Afin de prévenir la transmission du ZIKV par transfusion sanguine, une PCR a été mise en oeuvre chez les donneurs de sang. De Novembre 2013 à Février 2014, 42 (3%) de 1505 donneurs de sang contrôlés, bien qu’asymptomatiques au moment du don de sang, ont été trouvés positifs pour ZIKV par PCR (3). Syndrome de Guillain Barré (4) et microcéphalie du foetus chez la femme enceinte (5) sont des risques qui inquiètent. Pour autant, quel est le risque de transmission post-transfusionnelle de ce virus ?

Le processus de réduction de pathogènes par amotosalen combiné aux UVA est certes efficace sur le ZIKV dans le plasma et donc d'un intérêt particulier pour prévenir les infections ZIKV transmises par transfusion de plasma dans des régions telles que la Polynésie française, où plusieurs arbovirus circulent simultanément (6).

Pour autant, à qui doivent être étendues ces procédures de prévention (PCR et inactivation plasmatique) ? Ne serions-nous pas devant un choix de cette médecine dite « de précision » ?

En effet, en métropole, dans le cadre du don de sang, l’ajournement au don des voyageurs et des candidats au don ayant eu des relations sexuelles datant de moins de 4 semaines sont des mesures déjà appliquées pour toute autre pathologie infectieuse et semblent suffire. Tout en sachant qu’elles ne peuvent garantir le risque zéro. Par contre, en Polynésie comme dans tout pays endémique, doivent effectivement se poser les questions d’inactivation virale des plasmas et de dépistage des donneurs de sang. Pour la Polynésie Française, il s’agit de notre budget national qui est certes confortable sans être pour autant indéfiniment extensible.

Mais pour un pays comme le Brésil, l’économie nationale le permet-elle ? Quelle alternative à ces technologies coûteuses ? Transfuser moins ici pour partager nos PSL ? Ne se poserait-il pas la question de la solidarité internationale ? Quelle méthode coûte le moins cher à la société ? Les convois de PSL par avion d’un bout à l’autre de la planète ? Le dépistage et l’inactivation « ciblées » ? Le principe éthique de justice se pose au quotidien à la communauté transfusionnelle mais aussi à l’ensemble du monde de la santé. La réflexion ne doit-elle pas être internationale ? Offrir un soin de qualité partout ; penser le budget santé en fonction du budget global en particulier de l’habitat, l’alimentaire, l’éducation, sans oublier les arts.

Je ne peux résister à vous envoyer une fois encore mon leitmotiv préféré, « transfuser moins et ne prélever que des donneurs éminemment informés et responsables »

Dominique JAULMES

1/ Zika virus and the never-ending story of emerging pathogens and Transfusion Medicine.
Marano G1, Pupella S1, Vaglio S1,2, Liumbruno GM1, Grazzini G1.
Blood Transfus. 2016 Mar;14(2):95-100. doi: 10.2450/2015.0066-15. Epub 2015 Nov 5

2/ Potential for Zika virus transmission through blood transfusion demonstrated during an outbreak in French Polynesia, November 2013 to February 2014.
Musso D1, Nhan T, Robin E, Roche C, Bierlaire D, Zisou K, Shan Yan A, Cao-Lormeau VM, Broult J.
Blood Transfus. 2016 Mar;14(2):95-100. doi: 10.2450/2015.0066-15. Epub 2015 Nov 5.

3/ Seroprevalence of arboviruses among blood donors in French Polynesia, 2011-2013.
Aubry M1, Finke J2, Teissier A3, Roche C3, Broult J4, Paulous S5, Desprès P6, Cao-Lormeau VM3, Musso D3.
Transfusion. 2016 Jan;56(1):33-40. doi: 10.1111/trf.13271. Epub 2015 Aug 18.

4/ Zika virus and Guillain-Barré syndrome: another viral cause to add to the list.
Smith DW, Mackenzie J.
Lancet. 2016 Feb 29. pii: S0140-6736(16)00564-X. doi: 10.1016/S0140-6736(16)00564-X. [Epub ahead of print] No abstract available.

5/ Association between Zika virus and microcephaly in French Polynesia, 2013-15: a retrospective study.
Cauchemez S, Besnard M, Bompard P, Dub T, Guillemette-Artur P, Eyrolle-Guignot D, Salje H, Van Kerkhove MD, Abadie V, Garel C, Fontanet A, Mallet HP.
Lancet. 2016 Mar 15.

6/ Inactivation of Zika virus in plasma with amotosalen and ultraviolet A illumination.
Aubry M1, Richard V1, Green J2, Broult J3, Musso D1.

MARS 2016
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